Médiathèque Georges Brassens

Malgré ses manifestations régulières depuis l'Antiquité, la peste a longtemps échappé à la connaissance médicale. Avant 1894, le mot “peste” ne recouvre d'ailleurs pas une seule maladie identifiée. Les pandémies de pestes (autrement dit, des épidémies de peste à l’échelle de plusieurs continents) ont pourtant été les plus graves que l’humanité a connues.
Les historiens en recensent trois :

• Au VIe siècle : la première pandémie de peste connue touche le monde romain mais probablement aussi l’Inde et la Chine au même moment.

• La deuxième pandémie survient à la fin du Moyen Âge, au XIVe siècle : il s’agit de la "peste noire" (au sens de la peste affreuse, horrible, aux dégâts considérables). Elle a duré 400 ans.

• La troisième pandémie se produit au XIXe siècle : si beaucoup de pays ont su s’en protéger, elle a fait en Inde 12 millions de victimes au début du XXe siècle par exemple.

Comment s’attrape la peste ?

La plupart du temps, la peste s’attrape après la piqûre d’une puce, qui va injecter dans le corps humain une bactérie : Yersinia pestis. Se joue alors une bataille entre les bactéries d’un côté et le système immunitaire de l’autre. La peste dite bubonique provoque notamment des bubons à l’aine, sous l’aisselle, au cou. Mais ce n’est pas le seul moyen de contracter la peste : dans certains cas, le bacille de la peste dite "pulmonaire" va dans les poumons et une personne qui tousse, qui crache, peut émettre des bacilles de la peste. Il peut alors y avoir une transmission aérienne de la maladie, qui alors peut se transmettre directement d’homme à homme.

Il existe deux principaux types de peste : la peste bubonique et la peste pulmonaire. La première est la plus fréquente et la moins sévère mais atteint des taux de 40 à 70% de létalité. Sans traitement antibiotique rapide, la peste pulmonaire est mortelle dans la plupart des cas.

A la recherche des causes de la peste : les découvertes d'Alexandre Yersin

Lors des deux premières pandémies, l'humanité n'avait pas d'idée précise de la cause de la maladie. L'opinion généralement admise l'attribuait à un châtiment divin : pour punir telle communauté humaine de ne pas avoir respecté les préceptes religieux par exemple. La compréhension de la peste comme maladie liée à un bacille n'intervient qu'à la fin du XIXe siècle, en pleine révolution pasteurienne.

La troisième pandémie de peste prend de l’ampleur et frappe d’abord la Chine. De là, la maladie va se propager à Hong Kong. La France demande alors à un élève de Louis Pasteur, Alexandre Yersin, de se rendre à Hong Kong pour essayer d'identifier l'origine de la contamination. Alexandre Yersin va se trouver en concurrence avec un scientifique japonais, Kitasato Shibasaburō, élève de Robert Koch (médecin allemand connu pour sa découverte de la bactérie responsable de la tuberculose). Yersin a trouvé le bacille de la peste et a remarqué que les rats étaient sensibles à la maladie. Il a donc pu inoculer le bacille à des rats et ainsi démontrer son rôle. En hommage à Yersin, cette bactérie a été baptisée Yersinia pestis,

Un acteur essentiel, la puce : les découvertes de Paul-Louis Simond

Au moment où Yersin décrit la bactérie - et explique que la maladie touche le rat - on ne sait pas encore comment elle peut passer du rat à l’homme. On voit que des personnes ont manipulé des rats sans être contaminés, y compris des rats morts de la peste. D’autres les ont à peine approchés et sont mortes de la peste. Le travail de Paul-Louis Simond, médecin et microbiologiste, en Inde, va apporter de nouveaux éléments sur le rôle de la puce comme vecteur de la transmission de la maladie. Paul-Louis Simond décrit de manière détaillée le fait que certaines personnes présentent une toute petite lésion, souvent sur le dos du pied ou sur les mains, sur le même membre que le bubon qui va ensuite se développer. Il finit par attribuer cette lésion à une piqûre de puce. La peste, c’est donc une histoire de maladie transmise de rat en rat par la puce, puce qui peut mordre l’homme et déclencher la maladie. La puce pâtit elle aussi de Yersinia pestis : la bactérie modifie son comportement, l’incite à piquer de plus en plus et donc à accentuer la transmission de la maladie. C’est le phénomène de "facilitation" (de la transmission et de la multiplication de la bactérie).

Après ces découvertes, le simple fait de comprendre qu’il ne s’agit pas d’une punition de Dieu fait que pour les populations, il va devenir plus facile de se protéger : dératisation, isolement....

A suivre, dans le deuxième épisode : la peste de Justinien, la première pandémie de peste avérée dans le monde méditerranéen.