Médiathèque Georges Brassens

"Je voudrais vous raconter l’histoire d’un succès ou plutôt, l’histoire d’une femme. Pour atteindre ce succès, avoir sa gueule dans les journaux et son roman dans la liste des meilleures ventes, elle a fait ce qu’il fallait. Tout ce qu’il fallait.

Elle s’est fait les bons amis sans jamais se faire d’ennemis. Elle a flatté quand il le fallait et gardé pour elle ce qu’elle pensait pour ne pas froisser. Elle a été subversive mais pas trop pour ne pas heurter la classe sociale qui achète ses livres. Elle n’a jamais manqué de rappeler ses origines sociales modestes ni la persistance de sa honte sociale pour flatter les préjugés sur les classes populaires des bourgeois qui achètent ses livres.

Elle a multiplié les storys insta sur son quotidien d’écrivain, # Monday mood avec son stylo à la main et sa tasse de café, # Friday mood avec le même stylo et un verre de rosé. Elle s’est mise à narrer sa quotidienneté avec la même passion qu’une influenceuse mode mais surtout, surtout, et même s’il lui a fallu du temps, elle a réussi à atteindre les plus hauts sommets de la platitude stylistique pour qu’absolument aucun lecteur ne se sente exclu. La picardie, la Belgique, ce n’est rien à côté de son style…

Que voulez-vous… Ecrire aujourd’hui comme Céline ou Pierre Michon, c’est carrément manquer de respect, une audace en tout cas assurément contreproductive…

Et voilà, elle l’a eu, son petit succès. Elle a perdu son idéal, son désir, sa foi en la littérature en même temps que son courage et son humour - ne reste plus qu’une sorte d’ironie permanente et un agenda rempli d’invitations à diner avec des gens influents. Mais elle l’a, son succès. Elle a été marxiste, catholique, célinienne.. Elle ne croit plus désormais qu’en un seul Dieu : le succès…

Et puis un jour, elle se réveille… Quel est le déclic ? Est-ce de sentir que son excitation narcissique permanente a pris la place d’une authentique joie de vivre ? Est-ce de retomber sur ce sublime texte de Nietzsche sur la solitude propre aux grands auteurs ? Elle se réveille avec cette question que l’obsession du succès a trop longtemps recouverte : qu’est-ce qui nous rend vraiment heureux ? Le succès est une chose, mais comment réussir à être heureux, fier, joyeux, fidèle à ce qui compte vraiment ?

Pour en parler ce matin, j’ai la joie de recevoir Lydie Salvayre, prix Goncourt 2014 pour Pas pleurer mais qui vient de sortir un petit pamphlet rageur et désopilant, Irréfutable essai de successologie aux éditions du Seuil, Lydie Salvayre un peu énervée donc mais quand même souriante, qui nous a rejoint ce matin dans la caverne de France Inter, sous le soleil de Platon, pour nous aider à réfléchir à cette belle question : de quoi l’obsession du succès est-elle aujourd’hui le nom ?"

“La satire est une forme qui convient à la colère, une forme brève, courte, qui agit comme une gifle, avec l'humour comme arme.”

“On est tous pris dans une double injonction : il y a le système, et créer c'est résister au système. Comment trouver sa juste place ? C'est ce qu'interroge Machiavel.”

“Echouer, c'est tout le travail de l'écrivain ; le chemin pour aller d'un début à la fin d'un livre est rempli d'échecs.”

Programmation musicale :

Hey Joe* de Jimi Hendrix

• Le Pays Imaginaire de Wendy Martinez