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L'Imprescriptible comme impératif moral et juridique (Episode 37 sur 40)

Cynthia Fleury
Diffusé le mardi, 23 août 2022 (4 min)


Dans une tribune intitulée précisément 'L'Imprescriptible', paru le 3 janvier 1965 dans le journal Le Monde, le philosophe pose l'imprescriptible des crimes contre l'humanité comme un impératif moral et juridique.


   
Provient de l'émission
Un été avec

Au programme
  • Jankélévitch, grand métaphysicien et moraliste, n'en est pas moins un penseur de l'Histoire, de la pensée en résistance, de la question du mal et de cette notion née après la Deuxième Guerre mondiale : l'Imprescriptible.

    "On entend dire parfois", écrit-il dans l'avertissement de l'ouvrage éponyme, "que les déportés, les Juifs, les résistants commencent à fatiguer leurs contemporains en évoquant trop souvent Auschwitz et Oradour. Est-ce à dire qu'il faut se servir du non-oubli pour haïr, demander vengeance, revendiquer le ressentiment ?

    La réponse est non, bien sûr. Mais l'oubli est inacceptable au sens où son refus doit devenir le garant des Droits de l'Homme à protéger éternellement jusqu'à la fin des temps. L'Imprescriptible fait que l'histoire ne se conjugue pas au passé, mais au présent et au futur."

    L'histoire, avec l'Imprescriptible, oriente notre monde, nos valeurs, nos décisions politiques

    Ce que nous voulons transmettre aux générations actuelles et suivantes. L'Imprescriptible, c'est la vie de l'histoire et non le fossiliser. C'est ce qui nous oblige à ne pas nous s'illusionner sur la bonhommie des êtres humains. C'est savoir que cet humain-là et celui là même qui est capable de la pire inhumanité, indignité, barbarie. L'Imprescriptible. C'est savoir que l'histoire est toujours devant soi.

    "Vous êtes trop jeune pour avoir vu la croix gammée sur la tour Eiffel. Ce sont des choses. Quand on se les rappelle ou pas, on est pris d'une honte insurmontable et qui pèse encore sur nous. Et finalement, la plupart de mes pensées, j'ai tort de le dire parce qu'après tout, je ne suis pas né dans ce pays, si, plutôt j'y suis né, mais je ne suis pas de naissance, c'est la honte. C'est le rouge qui me vient au visage quand je pense à tout cela, parce que la plupart des personnes qui n'ont pas vu, c'est l'ennemi dont les bottes martelaient les trottoirs. Je ne vais pas l'oublier, ça quand même. Et tout ce qui s'en est suivi."

    Face à la nature qui refleurit, il n'y a que la culture pour ne pas oublier

    "Il est en général", écrit Jankélévitch, "incompréhensible que le temps, processus naturel sans valeur normative, puisse exercer une action atténuante sur l'insoutenable horreur d'Auschwitz". L'Imprescriptible, c'est le sens historique et tragique de l'irréversible. S'il n'y a pas la conscience de cette Imprescriptible, alors la fameuse unique matinée de printemps n'a aucune dignité, aucune grâce, aucun sens politique.

    Les instants qui sont à saisir le sont moralement et politiquement, parce qu'ils nous engagent. Laissons la parole à Jankélévitch : "Oui, le souvenir de ce qui est arrivé est en nous indélébile. Indélébile, comme le tatouage que les rescapés des camps portent encore sur le bras.

    Chaque printemps, les arbres fleurissent à Auschwitz. Comme partout. Car l'herbe n'est pas dégoûtée de pousser dans ces campagnes maudites. Les printemps ne distinguent pas entre nos jardins et ces lieux de l'inexprimable misère. Aujourd'hui, quand les sophistes nous recommandent l'oubli, nous marquerons fortement notre muette et impuissante horreur devant les chiens de la haine. Nous penserons fortement à l'agonie des déportés sans sépulture, et des petits enfants qui ne sont pas revenus. Car cette agonie durera jusqu'à la fin du monde."

    L'Imprescriptible c'est ce râle de l'homme infini devant la barbarie de l'homme.

Illustration
Un été avec, le feuilleton littéraire de France Inter
Copyright
  • Radio France
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Un été avec Jankélévitch

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