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La grotte de la Marche ou la naissance du portrait ?

Vincent Charpentier | Antoine Beauchamp
Diffusé le vendredi, 30 août 2024 (28 min)


Avec ses représentations humaines très réalistes, voire caricaturales, la grotte de la Marche à Lussac-les-Châteaux (Vienne) constitue une exception dans l’art paléolithique européen. Les chasseurs magdaléniens y auraient-ils tout simplement inventé le portrait ?


Geneviève Pinçon Archéologue, préhistorienne, membre de l'UMR 8068 TEMPS et Directrice du Centre national de Préhistoire.
Oscar Fuentes Archéologue, préhistorien, ingénieur de Recherche (membre de l'UMR 8068 TEMPS) et adjoint scientifique au Centre National de Préhistoire.



   
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L'Entretien archéologique

Au programme
  • >> Information : cette saison radiophonique, l'émission sur l'archéologie, intitulée dorénavant L'entretien archéologique (anciennement Carbone 14), sera présentée, un vendredi sur deux par Vincent Charpentier et, le vendredi suivant, par Antoine Beauchamp.

    Au cœur de la Vienne, Lussac-les-Châteaux possède plusieurs cavités, occupées au cours de la Préhistoire. Parmi celles-ci, la grotte de la Marche est un vaste abri sous-roche, orienté plein sud, au pied d’une falaise et dominant un petit cours d’eau, le ruisseau du Moulin. Elle fut occupée par une communauté magdalénienne qui y séjourna, probablement à plusieurs reprises, il y a environ 15 000 ou 16 000 ans.

    Une entité culturelle propre au Poitou, « la Culture de Lussac-Angles »

    La grotte de la Marche appartient à une entité particulière au sein du Magdalénien : « la culture de Lussac-Angles » caractérisée par un mobilier spécifique (notamment des sagaies particulières, des perles incisées en os de mammouth ou en dent de poulain). Cette culture s’étendait sur un territoire limité à l’Est de la Vienne. D’autres sites comme le Roc-aux-Sorciers à Angles-Sur-Anglin, Les Fadets, ou le réseau Guy Martin, s’intègrent à ce faciès culturel.

    Une fouille ancienne et des milliers de galets gravés

    La grotte de la Marche a été fouillée en 1937-1938, notamment par Léon Péricard avec le concours de Stéphane Lwoff. Ceux-ci mettent au jour un important mobilier, dont des galets gravés. La reprise des déblais à l’extérieur de la grotte et notamment leur tamisage permettra ultérieurement la découverte de plus de 3 000 galets gravés.

    La grotte de la Marche et la naissance du portrait

    Nombreuses, les représentations humaines sont réalistes, parfois sans détours et en mouvement, contrairement à celles des autres figurations humaines du Paléolithique supérieur. Des hommes, des femmes, des enfants et des vieillards y figurent. Les visages sont expressifs, parfois souriants, mais aussi caricaturaux, et quantité de détails y figurent : cheveux, barbe, calvitie, scarifications… Sont aussi représentés des vêtements, ceintures, bandeaux dans les cheveux, bonnets, bracelets etc. La place des femmes est importante au sein de ce corpus, celles-ci sont représentées assises, jambes repliées et bras levés.

    Un portrait est une image fidèle d’un individu ayant réellement existé et dont les traits sont représentés. Si l’Antiquité possède déjà certains portraits, c’est au cours de la renaissance que ceux-ci se développent, notamment au travers de l’école flamande. Les gravures réalistes de la Marche représentent des individus ayant des expressions, des émotions, parfois en relation les uns avec les autres, phénomène unique dans l’art du Paléolithique européen. Elles constituent donc l’émergence de la figure humaine et, par là-même, très probablement du portrait.

    Parmi les animaux, figurent des ours, des félins, des chevaux (souvent à la tête baissée), des rennes et mammouths, mais aussi des lièvres et des chouettes. Toutefois, cervidés, bovidés et fauves prédominent l’ensemble. Un loup, figuré dans une position très docile, laisse supposer que celui-ci ait été apprivoisé, voire peut-être déjà domestiqué en chien.

    Fait particulièrement étonnant au cœur de la Vienne, plusieurs mammifères marins sont présents, c’est notamment le cas d’un jeune éléphant de mer. Une telle représentation laisse supposer que le territoire de chasse des chasseurs-collecteurs magdaléniens de La Marche s’étendait jusqu’à l’Océan, distant de plus de 200 kilomètres de la grotte.

    >> Les gravures de la Marche sont visibles dans plusieurs musées français, notamment celui de La Sabline de Lussac-les-Châteaux,
    Mais aussi au Musée de l’Homme (Paris), le Musée d’Archéologie nationale (Saint-Germain-en-Laye) et le Musée Sainte-Croix de Poitiers.

    Le reportage, dans la grotte, avec Geneviève Pinçon, a été réalisé par Vincent Charpentier et monté et préparé par Vanessa Nadjar que nous remercions vivement.

    Pour aller plus loin

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