Médiathèque Georges Brassens

Si nous pardonnons seulement ce qui est pardonnable, est ce vraiment du pardon ? Pour pouvoir être authentiquement pardon, faut il que celui-ci soit sans condition ? Ou, à l'inverse, est ce précisément parce qu'il y a des choses impardonnables que la morale existe ?

"Pardonner est un effort sans cesse à recommencer et personne ne s'étonnera si nous disons que l'épreuve est dans certains cas, à la limite de nos forces."
"Ne cherchez pas à résoudre le dilemme, car comme tous les vrais dilemmes, il est insoluble. Et c'est cette tension du pardon, et de l'impardonnable, qui teinte l'ensemble du lien de responsabilité que nous tissons avec autrui."

Et quand on s'approche doucement de la vie de Jankélévitch, la dichotomie entre l'œuvre, et la vie, se poursuit. Car Jankélévitch n'arrivera pas, ne voudra pas pardonner aux Allemands non seulement aux bourreaux, mais à la philosophie allemande tout entière.

Ce sera là un geste peu compris, à raison, car il est incompréhensible. il n'est pas du domaine de la compréhension. Il le reconnaîtra lui-même. Mais voilà, cela vient d'ailleurs, du cri devant l'horreur des camps. Et puis cela vient surtout du fait écrit, si terriblement et si justement, Jankélévitch "que le pardon est mort dans les camps de la mort".

Qui est-il, lui, le professeur musicologue pour pardonner ?

Ceux qui pouvaient pardonner ont disparu et les survivants, comme les témoins, ne peuvent voler ce geste.

"Nous a-t-on demandé pardon ?" Cette remarque, Jankélévitch la scandera jusqu'à la fin de sa vie, presque de façon véhémente. Et l'on entend dans sa voix si claire la trace de l'émotion devant l'horreur, la colère aussi, le refus devant l'atrocité indélébile.

"Il paraît que j'ai des collègues en Allemagne. Il paraît. Forcément, j'en ai. Eh bien, vous me croirez si vous voulez. Et vous ne me croyez pas ? Je n'ai jamais reçu une lettre avec une petite lettre, une humble lettre pour me dire combien il avait honte, ce monsieur qui est professeur de morale. Souvent il paraît que leur morale, jamais je ne ce n'est pas parce que je suis vexé de ne pas avoir reçu une lettre. Je reçois que trop de lettres, mais parce qu'un monsieur qui se prétend professeur de morale, et qui enseigne les autres, je trouve que c'est profondément inquiétant.

J'ai vu des jeunes, nous avons de tout à la Sorbonne et il y a eu également beaucoup d'Allemands. Quelquefois, ils disaient un petit mot tout de même. Et j'ai encore quelques rapport avec certains d'entre eux. Donc on s'accroche désespérément, comme à une bouée de sauvetage à la veste du jeune homme qui vous a dit ça. Mais leurs aînés, ils mangent bien, ils dorment bien, ils font de bonnes affaires. Le mark se porte très bien, comme vous savez. Les affaires sont bonnes, ils sont extrêmement contents, ils ne nous doivent rien, même pas une explication ! Vous trouvez que c'est bon, vous croyez que c'est bien ça ?"

La suite est à écouter...